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Etat d’urgence dans l’est et le nord du Tchad: l’opposition et la société civile craignent un génocide et l’asphyxie des économies locales

Au Tchad, l’état d’urgence prend effet ce mardi 20 août. Il avait été annoncé dimanche par le Président Idriss Déby, lors d’une visite dans une zone marquée par des affrontements entre éleveurs et agriculteurs. Outre les deux provinces du Ouaddaï et du Sila de l’est frontalier avec le Soudan, la province du Tibesti au Nord a été ajoutée, ce qui inquiète l’opposition et les défenseurs des droits humains.

Le gouvernement a voulu y mettre les formes. À peine rentré de l’Est du pays, le Président Idriss Déby a convoqué lundi un Conseil des ministres extraordinaire pour statuer sur le projet de décret instituant l’état d’urgence.

C’est à partir de ce mardi 20 août que ce dernier prend juridiquement effet. Il durera jusqu’au 10 septembre, donc moins de trois mois, contrairement à ce qui a été annoncé dimanche par le dictateur tchadien.« Il est institué à compter du mardi 20 août 2019 à zéro heure et ce jusqu’au 10 Septembre 2019, l’état d’urgence sur toute l’étendue des provinces du Ouaddaï, du Sila et du Tibesti ».

Cette instauration de l’état d’urgence permettra, selon le gouvernement, de maintenir et rétablir l’ordre et la sécurité publics ainsi qu’un contrôle permanent et efficace des frontières du pays. Mais selon associations locales, une fermeture des frontières avec la Libye et le Soudan va faire flamber les prix des denrées alimentaires qui entreront par la contre-bande.

« S’il y a encore des conflits entre Arabes et Ouaddaïens […] vous en tuez dix de chaque côté afin de sauver la majorité. Vous avez l’autorisation », a lancé le Président Déby aux autorités locales lors d’un déplacement dimanche à Goz Beida dans le Sila, où le déploiement de« forces militaires qui vont assurer la sécurité de la population dans la zone » a été annoncé. « Dès que je quitte la province de Sila, il faut désarmer tous les civils de la zone qui ont des armes entre les mains », a-t-il ordonné. Outre la saisie des armes et la présence de forces militaires, le despote tchadien a annoncé l’interdiction de circuler à moto dans les deux régions de l’Est.

La Convention tchadienne de défense des droits humains (CTDDH) a aussitôt condamné dans un communiqué les consignes du président, se disant « scandalisée par l’appel au massacre des civils ». L’ONG « exige l’arrêt immédiat de ces exactions et estime que la responsabilité du génocide qui se prépare incombera au Président Déby ».

Pour l’opposition, c’est à un « génocide » que le pouvoir risque de soumettre les populations. « Ça va être le carnage »s’inquiète Dr Mahamat Ahmat Alhabo, secrétaire général du Parti pour les libertés et la démocratie dans une déclaration à RFI. Il craint que l’affaire ne vire à « des règlements de compte ». « On va poursuivre les gens pour un oui ou pour un non, et ils seront abattus comme du gibier », redoute-t-il.

« Nous appelons le Président Déby à retirer immédiatement le permis de tuer délivré aux forces de l’ordre en cas de conflit intercommunautaire », a déclaré Dr Moussa Pascal Sougui, Secrétaire général du Conseil National de la Résistance pour la Démocratie (CNRD) dans un communiqué.

Quant aux associations locales de la société civile, elles craignent que les économies locales ne soient étouffées par la mesure, alors que l’état d’urgence dans l’est du Tchad s’explique par la volonté de mettre fin aux conflits éleveurs-agriculteurs.

L’ajout de la province du Tibesti sur le décret montre que le gouvernement a aussi décidé de monter en puissance au nord, frontalier avec la Libye, où il peine à imposer son autorité malgré le blocus autour de la zone aurifère de Miski imposé après l’échec de l’assaut de l’armée en novembre 2018.

Dans le Nord et l’Est du Tchad, les relations commerciales se font principalement avec la Libye et le Soudan qui approvisionnent à plus de 90 pour cent.

L’essence libyenne achetée à la frontière est deux fois moins chère que l’essence en provenance de la capitale. Presque toutes les marchandises sur les étales des marchés dans les grandes villes du nord jusqu’à Mao dans le Kanem et dans les villes de l’Est proviennent de la Libye et du Soudan voisins.

La subite fermeture de la frontière va provoquer une hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés jusqu’à Faya-Largeau dans le Nord et Abéché dans l’Est, et même à N’Djaména.

Les population préfèrent aller se soigner en Libye ou au Soudan plus proches car on y trouve des soins de qualité. Malgré l’insécurité frontalière, les échanges économiques continuaient tant bien que mal. Les populations qui voudront des soins de qualité devront désormais aller à la capitale, N’Djaména qui est à plus de 2 000 kms des certaines villes de la province du Tibesti.

Avec la crise actuelle au Tchad, c’est un problème de plus qu’on ne résoudra pas de sitôt. Cette fermeture de la frontière terrestre avec la Libye et le Soudan va tout simplement asphyxier l’économie des régions du Nord et de l’Est et fragiliser leur stabilité.

TchadConvergence

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