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Trois mois après la mort du président Idriss Déby, tout semble converger vers une perpétuation de sa dictature au Tchad

Le 20 avril 2021, le président Idriss Déby tombait, officiellement sous les balles des rebelles. Trois mois plus tard, après que son fils Mahamat Idriss Déby a pris la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT), la paix semble revenue et un ordre illusoire semble régner au Tchad. Mais les Tchadiens mettent en doute la probité du CMT dans sa volonté à organiser des élections générales sous 18 mois et rendre le pouvoir. Et pour preuve, depuis sa prise du pouvoir, le Général Mahamat Idriss Déby a reconduit tous les membres du clan et de l’ancien système dans leurs fonctions sans aucun changement.

Trois mois après la mort d’Idriss Déby, le processus de transition, s’il n’est pas à l’arrêt, est pour le moins au ralenti. Tout apparait comme si la junte cherche à gagner du temps afin de prolonger la période transitoire pour encore 18 autres mois malgré la pression de la rue comme celle de l’Union africaine et de Paris qui a récemment promis de nouvelles aides financières à N’Djamena.

Plus d’un mois après la nomination par décret d’un Comité chargé de désigner les 93 membres du Conseil National de Transition (CNT), sa mise en place est devenue aussi compliquée que résoudre la quadrature du cercle. Le CNT devrait faire office de Parlement pendant les 15 mois restants de la transition et les membres auront notamment la charge de rédiger la nouvelle Constitution. La composition de ce Comité a fait l’objet de vives contestations. Le mouvement « Wakit Tama », composé d’organisations de la société civile et de partis politiques d’opposition, l’a qualifié de « complaisant ».

Dans sa communication du 13 juillet dernier, le Premier ministre Pahimi Padacké a donné 15 jours à toutes les forces vives de la nation afin que chaque composante désigne ses représentants au Comité d’organisation du Dialogue national inclusif. Mais, depuis quelques semaines, le dialogue est quasiment au point mort et ce, malgré la nomination début mai d’un gouvernement dirigé par Albert Pahimi Padacké, le dernier Premier ministre d’Idriss Déby père. Pour le moment, personne ne connaît le contour exact de ce Dialogue inclusif et avec qui il devrait se faire.

Dans une interview récemment accordée à Jeune Afrique, le Général Mahamat Idriss Déby, Chef du CMT, assurait: « Notre souhait est de ne pas aller au-delà des 18 mois, mais il y a deux conditions pour que ce délai soit respecté. La première est que nous, Tchadiens, soyons capables de nous entendre pour avancer au rythme prévu. La seconde est que nos partenaires nous aident à financer le dialogue et les élections, car il est évident que le Trésor tchadien ne pourra pas supporter seul un tel coût. Si on s’entend et si l’on nous aide, les 18 mois sont à notre portée. Dans le cas contraire, ce sera très difficile ». Dans la même interview, le Chef de la junte militaire répondait à l’autre interrogation, celle de savoir s’il pourra être candidat à échéance de la transition. « Les membres du CMT ne se présenteront donc pas à l’élection, c’est un engagement qui a été pris devant le peuple », dit-il, non sans laisser planer un léger doute. « Cela dit, en tant que croyant, je pense qu’il faut laisser à Dieu la part qui lui revient. Dieu décide de tout, du destin comme du pouvoir ». En langage tchadien, cela veut dire que Déby fils fera tout et ne ratera aucune occasion afin de perpétuer le système mis en place au Tchad depuis plus de trois décennies par son père.

Tchad-France: chantage perpétuel

« Le Tchad a vraiment besoin d’argent, et sur le modèle d’Idriss Déby, le CMT sait utiliser le fait que le pays déploie des forces à l’étranger pour faire du chantage à la France », estime Jérôme Tubiana, chercheur français spécialiste du Tchad, qui pointe aussi la responsabilité de l’Union africaine (UA). « L’UA aurait pu être un moyen de pression sur les nouvelles autorités, mais elle a décidé de fermer les yeux », estime-t-il dans un entretien avec l’AFP. Lors de sa première visite à Paris au début de ce mois, Mahamat Idriss Déby a brandi le chantage à la sécurité au Sahel comme faisait son père pour obtenir l’aide de la France. La réception de Mahamat Déby à l’Elysée a eu lieu trois jours avant un sommet entre la France et les pays du G5-Sahel, coalition antiterroriste dont l’armée tchadienne est le fer de lance, au cours duquel Paris a réitéré sa décision de retirer progressivement ses troupes de la région dans le cadre de son opération Barkhane, en espérant une montée en première ligne des armées des pays sahéliens. Il faut reconnaître qu’avec le futur désengagement militaire de la France, les planètes commencent à s’aligner au Sahel pour Déby fils aussi.

À l’occasion de la célébration de l’Aïd El Adha, fête de la Tabaski, le président du CMT s’est exprimé au Palais rose devant les membres du Conseil supérieur des affaires islamiques. Au cours de la cérémonie, il a noté que « les ennemis du Tchad n’ont pas encore désarmé ». Le Général Mahamat Idriss Deby a insisté sur le « caractère impérieux du vivre-ensemble et de la concorde nationale qui doivent être soigneusement entretenus et préservés ». « Nous devons surtout comprendre que rien n’est totalement et définitivement acquis car la paix est une quête permanente. Et à ce sujet, je voudrais noter, que les ennemis du Tchad n’ont pas encore désarmé. Ils s’activent au quotidien pour déstabiliser nos institutions et retarder notre marche vers le progrès et l’émergence », a-t-il attesté.

En langage tchadien, cela veut dire que la junte qui a pris le pouvoir au Tchad va user et abuser de sa position militaire pour assurer la sécurité et la stabilité de la sous-région, afin de garder le pouvoir après les 18 mois et même au-delà d’une éventuelle prolongation. Trois mois après la mort du président Idriss Déby, tout semble donc converger vers une perpétuation de sa dictature au Tchad.

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