Au Tchad, plus rien ne sera comme avant entre le dictateur Idriss Déby et le peuple tchadien. La grogne sociale persiste avec les nouvelles coupes dans les salaires des fonctionnaires du mois de janvier. Une vraie confrontation, cette fois-ci, entre le gouvernement et les syndicats pointe à l’horizon.
Finalement, beaucoup de bruit pour rien, lors de la marche pacifique initiée par les organisations de la société civile, ce jeudi 25 janvier, il n’y a eu que quelques petites escarmouches sans conséquences entre l’armée clanique et des clandomens à bord de motos. Le déploiement de l’armada et de troupes de tous les corps de l’armée du Général-Président-Sultan, et des espèces sonnantes et trébuchantes du trésor public ont dissuadé plus d’un de s’aventurer dans les rues de la capitale tchadienne. Mais, c’est quand même honteux d’engager des blindés pour contenir une poignée de civils à mains nues de la vraie société civile tchadienne.
Le Général Taher Erda, directeur général de la police nationale avait même sorti sa tenue de combat et que dire du ministre de la Sécurité publique, Ahmadaye Abdelkérim Bakhit qui a passé des heures avec les médias à justifier la future répression très violente ordonnée par l’homme qui tient le Tchad d’une main de fer depuis 28 ans en cas de mouvement de masse de grande ampleur. A la veille de la manifestation du jeudi 25 janvier, il a passé tout son temps à bavasser avec des leaders de la société civile et a même « supplié » de reporter la marche. « Ce n’est plus une marche, les élèves, les badauds des quartiers, les enfants, tout le monde va s’infiltrer et attaquer dix arrondissements le même jour, la même heure, en même temps, je crois que ce n’est plus une marche. Pour moi, ce n’est plus une marche, c’est un soulèvement populaire qui entrainera des casses qu’on ne pourrait pas contrecarrer », a prévenu Ahmadaye Abdelkérim Bakhit avec beaucoup de peur et qui imaginait déjà des manifestations à la Burkinabé. Mais, calmos ! On est au Tchad où tous les pouvoirs sont entre les mains d’un seul homme, la caisse de l’État entre les mains d’un clan et où l’armée et les forces de l’ordre sont claniques. « Vous avez des militants. Choisissez un lieu très encadré et nous allons vous autoriser, sans associer les enfants, les élèves, les gens du quartier. On ne peut pas vous refuser. Dix lieux différents, ce n’est pas très facile. Imaginez les casses que cela va engendrer. Ce pays c’est le notre, nous avons grandi dans les guerres, nous ne souhaiterons pas que vous, les nouvelles générations, revivez ce que nous avons connu par le passé », a-t-il souligné pour tenter d’endormir la vigilance des leaders sociaux.
Si c’était Ahmat Mahamat Bachir qui était aux commandes, il n’y aurait pas eu tous ces folklores. Il ne va pas tourner autour du pot pour déclarer: « Compte tenu de la menace terroriste qui plane actuellement sur le Tchad, il n’est pas nécessaire de se faire de mauvais coups. Au lieu de jouer au jeu de mauvais goût ou fomenté de coups, il serait judicieux qu’on s’attèle aux intérêts supérieurs de notre pays. Mettons-nous tous ensemble pour tirer notre pays vers le haut et venir à bout de ces terroristes sauvages ».
Et que dire aussi du mari de Madame Hinda Déby Itno qui avait écourté son séjour en France de peur d’être bloqué à Paris par ses protecteurs si la marche pacifique tourne mal à N’Djaména, s’il y a des débordements ? En effet, ce jeudi matin, dans les canons des fusils des sbires du régime, il n’y avait pas que des balles blanches. A cet titre, Mahamat Nour Ibedou et ses camarades de la Convention Tchadienne pour la Défense des Droits Humains (CTDDH) peuvent être fiers de leur action. Ils ont fait trembler pendant au moins trois jours la dictature basée au Palais rose.
Mais avec les fonctionnaires affamés, les choses risquent de se corser. Les vieux leaders syndicalistes connaissent la dictature d’Idriss Déby de A à Z pour avoir roulé leurs bosses durant des nombreuses années dans le système « made in MPS ». Et aussi, les Tchadiens syndiqués sont plus organisés et disciplinés. Ils connaissent bien les lois et ont une vraie base et des fédérations et derrière chaque fédération, il y a des fédérations internationales.
Dans un communiqué conjoint publié ce mardi 23 janvier, la plateforme intersyndicale revendicative regroupant l’Union des Syndicats du Tchad (UST), la Confédération Indépendante des Syndicats du Tchad (CIST) et le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Supérieur (SYNECS), a mis en garde le gouvernement contre toute mesure de diminution des salaires des fonctionnaires de l’État. « Des constats seront faits après le paiement de salaires du mois de janvier 2018 si un franc a été amputé sur les salaires, il y aura des actions de la part de la plateforme. Nous ne respecterons pas l’application de loi 32 prise par le gouvernement qui règlemente les mouvements de grève. Dès qu’on nous paie le salaire et notre argent a été diminué immédiatement nous allons entrer en grève sans préavis et ça sera une grève sèche», a prévenu Michel Barka porte-parole de la plateforme.
Le trésor public tchadien s’est endetté, de 2014 à 2017, à hauteur de 800 milliards FCFA auprès des banques commerciales pour payer les salaires des fonctionnaires, a révélé le ministre des Finances et du Budget, Dr Abdoulaye Sabre Fadoul, jeudi soir, au cours d’une conférence de presse. «A la veille du déclenchement du paiement des salaires du mois de janvier et en raison des informations contradictoires qui circulent ici et là, nous voudrions effectuer cette mise au point», déclare le ministre des finances qui confirme effectivement que, les salaires du mois de janvier ont été coupés. Il s’agit, selon M. Sabre, d’appliquer « le décret 687 dans son intégralité », en appliquant la réduction de 50% à l’ensemble des éléments complémentaires au salaire de base. Les coupes des salaires ont concerné tous les avantages, notamment, AGS, Bonification, Indemnités de suggestions. Les fonctionnaires ayant consulté leur bulletin de paie ont constaté une réduction, entre 54 000 FCFA, 60 000 FCFA et d’autres près de 100 000 FCFA.
La grogne sociale risque donc de s’amplifier dans les jours qui viennent, et le gouvernement tchadien doit se préparer à des combats de rue avec les fonctionnaires affamés qui défendront bec et ongles leur pain.
TchadConvergence avec APANEWS