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Tchad: le plan secret du Président Idriss Déby pour sa succession

(Abu Dhabi) – Son Altesse Cheikh Mohammad Bin Rashid Al Maktoum, Vice-Président, Premier Ministre Des Émirats Arabes Unis et Émir de Dubaï a reçu le 1er Juillet 2018 au Palais présidentiel d’Abu Dhabi les lettres de créance de Zakaria Idriss Déby Itno, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République du Tchad auprès des Émirats Arabes Unis.

Son Altesse Cheikh Mohammad Bin Rashid Al Maktoum a souhaité la bienvenue au nouvel Ambassadeur du Tchad avant de le rassuré du soutien de son pays dans l’accomplissement de sa mission dans l’intérêt du Tchad et de celui des Émirats Arabes Unis. Prenant la parole à son tour, Zakaria Idriss Déby a rapporté les chaleureuses et fraternelles salutations du Président Idriss Déby Itno et a rassuré le Souverain de Dubaï de son engagement et sa disponibilité à œuvrer dans le renforcement de la coopération dans divers domaines.

 En nommant son fils Zakaria chef d’une mission diplomatique au centre des affaires du Moyen-Orient, le Président  Idriss Déby le prépare-t-il à prendre sa relève ?
Idriss Déby Itno (IDI) est malade. La rumeur persiste et est confirmée par l’entourage du Président tchadien. D’abord perçu comme un guerrier, IDI a démontré en 28 ans de présidence qu’il a l’intelligence du pouvoir. Maniant avec subtilité la base tribale Zaghawa, ses réseaux étrangers et ses accointances avec les services secrets français, il a pris une épaisseur qui dépasse largement celle d’un petit autocrate militaire. Résultat direct de cet exercice du pouvoir, les institutions tchadiennes sont centralisées à l’extrême. À tel point que, à l’image d’un Kadhafi, il est difficile d’imaginer ce que deviendra ce pays composé de deux cents tribus quand son Président trépassera. Comme l’explique le spécialiste de l’Afrique et du décryptage des réseaux Antoine Glaser, « Idriss Deby Itno n’échappe pas à la règle des autocrates africains qui préparent leur successeur ». En l’occurrence le mystérieux Zakaria Idriss Déby Itno (ZIDI).

Selon des sources recueillies auprès de plusieurs dignitaires du MPS (Mouvement Patriotique du Salut), après avoir bien installé le « régime présidentiel intégral », l’homme  qui tient le Tchad d’une main de fer depuis 28 ans reviendra à la charge, lors d’une session parlementaire, pour faire une modification de la constitution visant à instituer un poste de vice-président avant les élections présidentielles de 2021. Zakaria, le fils le plus en vue, sera certainement désigné vice-président, c’est un vieux rêve de son père, selon ces mêmes sources proches du Palais rose.

Les enjeux de la succession sont importants. L’équilibre interne est fragile dans ce pays au centre d’une multitude de tensions régionales : désordre libyen au Nord, Darfour à l’Est, milices centrafricaines au Sud et Boko Haram à l’Ouest. L’image de puissance que le régime tchadien renvoie grâce à l’appui de la France pourrait bien disparaître avec Déby père. Alors les Tchadiens s’interrogent. Qui sera à même de garantir un semblant de sécurité ? L’exercice de la démocratie au Tchad est à l’état embryonnaire, bloqué par une tradition milicienne et belliqueuse. Sous ces tropiques, tant que l’opposition est désunie, le Président Déby peut rêver à l’installation d’une dynastie.

Zakaria, faux incompétent ?
Il approcherait de la trentaine mais même son âge fait l’objet d’appréciations différentes. C’est dire si le portrait de ZIDI que l’on dit présidentiable est un exercice difficile. Après un cursus au lycée Sacré-Cœur de N’Djaména, le fils Déby étudie les relations internationales à Tunis. Au lendemain de la mort de son demi-frère Brahim, son père le nomme à la présidence comme directeur de cabinet civil. En 2010 il passe à la direction de la compagnie aérienne Touma Air Tchad. Peu après, cette dernière coule. En mai 2012, il est de nouveau nommé au cabinet civil de la présidence. Depuis, il traine une réputation d’incompétent, de fils à papa inapte au pouvoir. Mais son cas ne semble pas aussi simple. « Pour l’avoir côtoyé pendant des années, je peux vous dire qu’il est très intelligent » , affirme un proche de la famille. « Il fait semblant d’être naïf et il faut bien le connaître pour se rendre compte que c’est une façade ». Alors Zakaria serait plus sophistiqué que feu Brahim ?  Moins impulsif en tout cas. « Il ne convoque pas les ministres, évite de les humilier et écoute les conseils ». « Il sait comment le pouvoir fonctionne, il ne se met pas en avant, essaye de ne pas froisser les cadres du gouvernement et du parti comme pouvait le faire Brahim », consent une figure de l’opposition. Mieux, ZIDI a parfaitement compris les deux volets de la gouvernance à la tchadienne : l’armée et les réseaux. Très vite son père lui confie des contrats d’armements, l’amène avec lui pour rendre visite aux troupes. Étudiant, il se serait même chargé personnellement de contrats militaires avec Israël, pays avec lequel le Tchad a une vielle tradition de collaboration militaire discrète. Quant aux réseaux, il les cultive, pour l’instant, à la présidence de la section jeune du parti MPS. Sans oublier le levier communautaire qui joue en sa faveur « Zakaria s’appuie sur un petit groupe de Zaghawa issu du clan de sa mère. Ce groupe réfléchit sur son image et sillonne le pays pour sonder certains groupes ethniques influents pour s’assurer qu’ils accepteraient que leur poulain remplace Deby », assure un opposant issu d’une prestigieuse famille tchadienne.

Mahmat « Kaka » contre Zakaria
Malgré les signes de montée en puissance de ZIDI, beaucoup d’obstacles se dressent sur sa route vers le pouvoir. D’après un opposant exilé mais fort bien informé, Déby aurait même renoncé à le hisser sur les plus hautes marches « sous la pression de son entourage qui juge cet enfant incapable ». Une partie de la famille aurait en effet pris le parti de Mahmat Idriss Déby, principal rival de Zakaria. Ce militaire d’à peine 30 ans a déjà atteint le rang de général. Il a même été le numéro deux des forces tchadiennes lors de l’opération au Mali, « alors que ses camarades sont encore sous-lieutenant » ironise un homme politique. Surnommé Mahamat « kaka » (grand-mère), les partisans de Zakaria aiment répéter qu’il a été élevé par la mère du Président et serait donc un fils illégitime.

Pour certains, cette lecture est trop simpliste. Elle donne l’impression que le principe de dynastie Déby a déjà un sens : « tout le monde en parle comme si cela reposait uniquement sur une entente entre les différentes familles alliées au Président commente un ancien ministre, c’est faux. Même si les proches du président se mettaient d’accord, il n’est pas du tout évident que les bases populaires suivraient ».

Par ailleurs, rien ne suggère que l’un ou l’autre des fils Déby ait réussi à se constituer un réseau international et français qui donnerait du poids à leurs ambitions. Il y a aussi la Première Dame Hinda Déby Itno qui a fait main basse sur toutes les sphères du pouvoir politique et du business au Tchad. De quel côté penche la « maman » Hinda ? Difficile à dire, mais selon plusieurs observateurs politiques, la présidente de la fondation « Grand Coeur », qui a déjà toute l’administration tchadienne entre les mains, a déjà placé ses proches dans l’armée et à la tête des différents services de sécurité de l’État. Mais, dans ces clans patriarcaux, quelle peut être la place d’une femme aussi puissante que la Première Dame du Tchad ?

La peur du vide est telle dans cette région qu’il est surprenant que les puissances occidentales ne s’intéressent pas plus à ces histoires de succession. Sans successeur désigné, le « verrou sécuritaire du Sahel » de la France semble près de sauter.

TchadConvergence avec mondafrique.com

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