(N’Djaména, 23 août 2021) – Le Tchad a retiré 600 soldats de la force du G5 Sahel sur les 1 200 déployés en février, a annoncé, ce samedi, le gouvernement tchadien. Cette décision a été prise pour des raisons « stratégiques », « pour s’adapter au mieux à l’organisation des terroristes », a expliqué Abderaman Koulamallah, le porte-parole du gouvernement.
Le Tchad a ainsi divisé par deux l’effectif de son contingent mobilisé en février dernier dans la zone dite des « trois frontières » dans le dispositif de la force antiterroriste du G5 Sahel, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, a annoncé, samedi 21 août, à l’AFP, le porte-parole du gouvernement.
« On a redéployé au Tchad 600 hommes en accord avec les forces du G5 Sahel. Il s’agit d’un redéploiement stratégique pour s’adapter au mieux à l’organisation des terroristes », a affirmé Abderaman Koulamallah.
Un contingent de 1 200 soldats tchadiens avait été déployé dans cette zone pour lutter contre les groupes terroristes, dans le cadre de la force multinationale du G5 Sahel. Ce groupe de cinq pays sahéliens s’efforce depuis 2017 de coopérer dans cette lutte.
Nécessité d’une force mobile ?
« Il nous reste environ 600 soldats sur le terrain. C’est une décision concertée de longue date avec le commandement du G5. On a voulu alléger le dispositif qui n’était pas adapté », a assuré Abderaman Koulamallah.
« Par rapport à la situation sur le terrain, il faut avoir une force mobile, d’où le retrait de certaines de nos forces avec les armes lourdes », a-t-il ajouté. « Notre volonté politique de faire face aux terroristes reste intacte », a poursuivi le porte-parole du gouvernement.
Selon une information donnée par l’AFP, le ministère français des Armées a confirmé que la décision tchadienne « a été prise en parfaite concertation avec les partenaires du G5 Sahel ainsi que de la coalition pour le Sahel dont la France ». « Il s’agit d’avoir un dispositif à la fois plus léger, plus réactif et plus facile à soutenir, en conservant les moyens de combat les plus adaptés à l’ennemi », a-t-il précisé.
La zone dite des « trois frontières » est, avec le centre du Mali, la plus touchée par les attaques terroristes. Les morts, civils comme militaires, s’y comptent par milliers.
La dernière attaque, samedi, contre un village de cette zone au Niger, y a fait une dizaine de morts parmi des civils. Lundi, une autre attaque avait fait 37 morts. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est déclaré mardi dernier préoccupé par la détérioration des conditions de sécurité au Sahel et dans le bassin du lac Tchad.
Tchad-France: le chantage permanent
Selon des sources sécuritaires, cet effectif, retiré de la force du G5 Sahel, est destiné au Nord du Tchad, une zone qui traverserait des défis sécuritaires majeurs. Mais, ce prétexte a été régulièrement utilisée par le défunt président Idriss Déby pour faire chantage à la communauté internationale afin d’obtenir des contreparties politiques ou financiers ou pour s’assurer la mansuétude de la France après une répression de ses opposants. De son vivant, l’ancien dictateur tchadien évoquait tantôt la situation sécuritaire dans la zone aurifère de Miski, dans le nord, tantôt la situation dans le Lac-Tchad face à aux groupes Boko Haram pour brandir des menaces de retrait des soldats tchadiens du dispositif G5 Sahel.
La réaction de M. Ahmat Yacoub, président du Centre d’Etudes pour la Prévention de l’Extrémisme (CEPE), vient confirmer que ce retrait de 600 soldats sert de monnaie d’échange pour un chantage. « Le Tchad peut brandir la stratégie du retrait pour attirer l’attention de la communauté internationale qui a été ingrate et qui peine à accorder un crédit financier », a-t-il déclaré dans une interview au journal Alwihda.
Il faut aussi rappeler que lors de sa première visite à Paris, le 9 juillet 2021, le Général Mahamat Idriss Déby avait déjà brandi la menace de réduire le déploiement du contingent tchadien au Niger, dans le Liptako-Gourma, selon la Lettre du Continent. C’était pour avoir l’aide financière de la France. Ce message a été reçu cinq sur cinq par Paris. Quelques heures seulement après son entretien avec le Chef de la junte militaire au pouvoir au Tchad, Emmanuel Macron a annoncé “à échéance rapprochée une nouvelle aide budgétaire” au Tchad, ainsi qu’un appui à la renégociation de sa dette.
« Sans le financement des partenaires, point de dialogue national, point de fin de la transition », avait déclaré le Porte-parole du gouvernement du Tchad dans son intervention ci-dessous. La junte militaire brandit une deuxième menace, celle de rallonger la durée de la transition.
Ce retrait de 600 soldats du contingent tchadien de la zone dite des « trois frontières » est, toutefois, un coup dur pour le G5 Sahel qui peine à être pleinement opérationnel. En effet, la France, très impliquée dans la lutte antiterroriste dans la région, a annoncé récemment la réduction progressive de ses effectifs militaires au Sahel au profit d’un dispositif allégé de 2 500 à 3 000 hommes, contre les quelque 5 000 qui composaient la force Barkhane amenée à disparaître.
Avec l’AFP