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Au Tchad, plus de 172 opposants politiques croupissent encore en prison malgré l’amnistie « générale » décrétée depuis plus de 6 mois

Au Tchad, des voix continuent de s’élever pour dénoncer l’application sélective de l’amnistie « générale » accordée aux opposants politiques alors que plusieurs détenus politiques croupissent toujours dans les prisons secrètes et les bagnes du pays.

Si certains opposants au régime tel qu’Acheikh Ibn-Oumar, ont bénéficié de l’amnistie présidentielle cette année, plusieurs autres prisonniers politiques moisissent encore dans les prisons du Tchad. Pour certains observateurs, cette amnistie n’est accordée qu’à des opposants devenus inoffensifs face au régime du Président Déby. En effet, l’amnistie générale signée, il y a plus de 6 mois, par l’homme qui tient le Tchad d’une main de fer depuis plus de 28 ans lors de la promulgation de la Constitution de la IVème République, est appliquée de façon très sélective au cas par cas. Cette loi d’amnistie est normalement en faveur des opposants politico-militaires du régime.

En visite le 21 octobre 2018 à la maison d’arrêt d’Am-Sinéné à N’Djamena, Dinamou Daram, président du Parti Socialiste sans Frontières (PSF), a estimé que l’amnistie n’est pas effective. Il a cité les cas de Baba Laddé, un ancien chef rebelle et Moussa Tao, accusé de conspiration contre le régime, qui restent en prison malgré son état de santé.

D’autres prisonniers politiques tels que Moussa Tao Mahamat, Mokhtar Nantcho, le Général Amine Adam continuent à croupir depuis plus de cinq ans sans aucun jugement dans les prisons du régime tchadien. Et tant d’autres moins connus croupissent dans les bagnes et les prisons secrètes de la dictature tchadienne.

Le caractère inoffensif comme critère?
« L’amnistie est un pardon légal qu’on accorde suivant un certain nombre de critères qui pourraient êtres définis. Pourquoi on accorde l’amnistie à certains et pourquoi on la refuse à d’autres ? Je pense à Acheikh Ibn Oumar qui est rentré  et je pense aussi à Baba Laddé qui est en prison. Tous les deux, théoriquement, devraient bénéficier de cette amnistie mais ce qu’il faut retenir en tant que défenseur des droits de l’Homme, au Tchad la loi n’est pas valable pour tout le monde. Les Tchadiens ne sont pas égaux devant la loi. Donc moi je ne suis pas étonné que Monsieur Acheikh puisse bénéficier de l’amnistie accordée à tous les opposants politiques et que d’autres qui ne sont pas de la bonne conviction politique ou mieux encore, qui sont jugés offensifs puissent ne pas bénéficier de cette amnistie », explique Maitre Midaye Guerimbaye, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH).

« Ici, le droit, c’est la parole de Déby »
Une position que partage aussi, le Député Saleh Kebzabo. Pour lui, le Tchad est tout sauf un pays de droit. « Lorsque cette loi a été promulguée, le ministre de la justice a dit que c’est une loi qui efface toutes les infractions qui ont été commises et de façon rétroactive. Même ceux qui ont détourné de l’argent, ceux qui ont tué. Donc, le ministre de la justice a fait même une lecture extensive de cette loi. Le Tchad n’est pas un pays de droit a proprement parlé. Ici, le droit c’est la parole de Déby. S’il dit de faire quelque chose contre la loi on le fait, s’il n’a ordonné la libération de tous ces gens là on ne va pas les libérer, même si sa propre loi qu’il a signée les étend. L’être humain n’a aucune importance dans notre pays. Qu’on meurt en prison, c’est pas le souci du pouvoir »,  déclare M. Kebzabo.

Le retour d’Acheikh Ibn Oumar vise à démontrer l’existence d’une ouverture politique au Tchad. Mais, pour Jean Bosco Manga, représentant de la société civile, le seul cas d’Acheikh Ibn Omar ne suffit pas à démontrer la réussite d’une politique de la main tendue. « Lui seul ne représente pas une réconciliation nationale », s’insurge Jean Bosco Manga.

Une liste d’opposants à libérer
Soucieux du sort de nombreux détenus politiques qui croupissent encore dans les prisons du Tchad, un groupe de militants  de la société civile a mis sur pied une collectif dénommé : Actions Citoyennes pour l’Application Intégrale de l’Amnistie au Tchad (ACAIAT). Une liste provisoire de 172  opposants, détenus pour « atteinte à l’intégrité de l’État », éligible à cette amnistie à été publiée a cet effet par ce collectif. Pour certains, sans jugement depuis 4,5, 6 voire 7 ans. Bien que les détentions préventives au-delà de 24 mois sont déclarées abusives et la liberté d’office est accordée selon l’article 325 du Nouveau code tchadien de procédure pénale. Certaines détenus totalisent 60 à 67 mois, sans jugement, parfois sans dossier judiciaire cohérent.

L’égalité de tous devant la loi interdisant tous privilèges et toutes discriminations, ce principe constitutionnel prévu à l’article 13 de la constitution de la 4ème République doit être compris de trois manières: égalité devant la loi; égalité dans la loi; et égalité par la loi. « Les arrestations et les détentions illégales et arbitraires sont interdites », selon l’article 22 de la Constitution du 4 mai 2018.

TchadConvergence avec la Deutsche Welle et la société civile tchadienne

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