Depuis ce mercredi matin, la région aurifère de Miski est livrée à des violents affrontements entre l’armée clanique du Tchad et les populations locales dans l’extrême-nord du pays, selon des sources concordantes.
Sur les réseaux sociaux, WhatsApp, les habitants de Miski ont dénoncé une attaque armée avec de moyens aériens et d’artillerie et plusieurs victimes civiles seraient à déplorer.
Un député de la région ayant requis l’anonymat, affirme à l’AFP que les violences ont opposé l’armée tchadienne à des habitants de Miski, qui contestent un nouveau découpage administratif de la région. Celui-ci rattache leur localité à la région de Borkou, alors qu’ils dépendaient auparavant de la région du Tibesti.
« Les forces de défense déployées dans le département de Miski ont été attaquées par un groupuscule de terroristes », a indiqué le communiqué de l’état-major général des armées tchadiennes daté de mercredi.
Ci-dessous une motion des ressortissants du Borkou-Ennedi-Tibesti (B.E.T) :
MOTION DE PROTESTATION CONTRE LES MASSACRES PAR L’ARMÉE DES POPULATIONS CIVILES DE MISKI ET YEBBIBOU DANS L’EXTRÊME NORD DU TCHAD
Nous,
Ressortissants du Borkou-Ennedi-Tibesti (B.E.T), réunis aux seins de plusieurs regroupements d’organisations de la société civile tchadienne et de la Diaspora en Europe, Amérique, Afrique de l’ouest, Maghreb et en Libye,
Sommes très inquiets et suivons de très près les massacres en masse des populations civiles de Miski et Yebibou dans l’extrême-nord du Tchad, où les forces armées de notre pays sont entrées en guerre en faisant usage de TOUS LES MOYENS MILITAIRES dont elles disposent contre des populations civiles.
L’adoption par le gouvernement du Tchad, le 10 août 2018, de l’ordonnance N°38 portant création des unités administratives et des collectivités autonomes, a été hautement contestée par les populations concernées de Miski, Yebbibou et Goumour dans le Département d’Emi-Koussi, qui y voyaient un « morcellement du Tibesti à dessein pour l’exploitation des ressources aurifères de la région par des entreprises familiales ».
Avant la signature de cette ordonnance, les populations de la zone aurifère avaient déjà exprimé un refus catégorique à toute exploitation privée de l’or sans cadre légal de l‘Etat.
Il faut préciser que l’ordonnance a été signée sans aucune concertation avec les populations locales. Les chefs traditionnels et coutumiers dont le Derdei du Tibesti, spécialement convoqués à cet effet, se trouvaient encore à Moussoro en partance pour N’Djaména quand le président Idriss Déby a fait volte-face et signe l’ordonnance avant de rencontrer les représentants des populations du Tibesti.
Suite à cette ordonnance, des jeunes ont manifesté à Miski pour dénoncer un « morcellement des populations du Tibesti dans un but de diviser pour mieux exploiter les ressources minières de la région ».
Le président Déby décide alors de limoger trois chefs de cantons de Yebbibou et s’engage dans un bras de fer en envoyant l’armée qui bombarde fin août avec des hélicoptères des zones d’habitations faisant une dizaine de victimes civiles. Le préfet Hassan Mahmoud Wahili, nommé à la tête du nouveau département d’Emi Koussi, démissionne deux jours après sa nomination et « refuse de servir un gouvernement qui massacre son peuple ».
Ainsi, commence un siège de plus de 60 jours de toute la zone aurifère par les forces armées du régime avant l’attaque militaire tous azimuts de ce mercredi matin.
Actuellement, les habitants affamés des villes martyrs de Miski et Yebbibou subissent depuis hier après-midi un pilonnage intensif à l’artillerie lourde et des bombardements aériens. Toutes les forces armées stationnées dans le nord du Tchad ont été mobilisées et convergent actuellement vers la région aurifère de Miski.
A présent, c’est clair comme l’eau de la source de Faya-Largeau, ces massacres confirment bien l’intention du régime de N’Djaména de vouloir militariser à court terme toute la région du B.E.T afin d’exploiter les innombrables ressources minières. L’incident grave survenu ce matin à Bardaï où l’armée a fait usage de mitrailleuses 14,5mm et de lance-roquette RPG 7 contre un cortège de véhicules civils lors d’un mariage en est une parfaite illustration. Six blessés civils dont quatre dans un état jugé grave.
Devons-nous alors continuer à considérer Monsieur Idriss Déby comme le président de tous les tchadiens quand son armée massacre des populations civiles ? Devons nous se contenter du rôle de spectateur quand l’artillerie lourde et l’aviation sont utilisées de manière aveugle et disproportionnée contre nos concitoyens de Miski et Yebbibou dont des femmes, enfants et personnes âgées en flagrante violation du droit international et des engagements pris par le gouvernement tchadien ?
Devons-nous faire la sourde oreille et attendre l’extermination de tous les habitants du Tibesti pour réagir contre un dictateur génocidaire en fin de règne ?
Tout en affirmant notre soutien ferme et notre solidarité avec les populations de Miski qui défendent leurs maisons et la terre de leurs ancêtres, nous interpellons tous les leaders politiques et de la société civile du Tchad, les chefs traditionnels et coutumiers du Tchad et les responsables politiques et administratifs pour qu’ils prennent toutes leurs responsabilités afin d’interférer auprès de Monsieur Idriss Déby pour qu’il mette un terme à ces massacres barbares car il y va de la paix et de la sécurité dans notre pays. Ils doivent aussi lui faire comprendre que les ressources minières et pétrolières du Tchad ne doivent pas continuellement servir à enrichir sa famille et ses proches.
Nous attirons aussi l’attention de la communauté nationale et internationale sur les conséquences d’un embrasement généralisé de la zone et d’une éventuelle déstabilisation de cette région du Sahara.
Et enfin, nous appelons les organisations humanitaires nationales et internationales, Human Rights Watch, le CICR, Médecins sans frontière,… à se mobiliser pour venir en aide aux populations civiles assiégées et affamés depuis plus de 60 jours et aux nombreux blessés.
Fait à Paris, le 25 octobre 2018
Pour les organisations de la société civile du B.E.T,
Le Comité des cadres