Deux rebelles tchadiens, arrêtés au Niger fin 2017 puis extradés au Tchad, ont été vus pour la première fois depuis leur arrestation, vendredi 18 janvier 2019 à la prison d’Am-Sinéné à N’Djamena, a appris l’AFP de sources sécuritaire et interne à la prison.
Arrêtés à Agadez, dans le nord du Niger, fin 2017, trois rebelles membres du groupe armé Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR), avaient été extradés peu après vers le Tchad, ce que les autorités ont toujours démenti.
Deux des trois ont été vus vendredi à la prison centrale de N’Djamena, le troisième étant décédé en détention, selon une source sécuritaire. Depuis une semaine, ils ont été ramenés à la maison d’arrêt d’Am-Sinéné à N’Djamena très affaiblis. L’information a été confirmée par une source interne à la prison de N’Djamena.
« On les a ramenés tous amaigris et leur camarade Dr Abdraman Issa Youssouf, déjà diabétique, est mort de mauvaises conditions de traitement », a déclaré la source sécuritaire.
Dr Abdraman Issa Youssouf était un enseignant de carrière. Il travaillait dans un projet d’éducation au Tchad avant de rejoindre la rébellion en Libye. Il fût Secrétaire aux affaires extérieures du CCMSR.
Un autre professeur, Dr Ibni Oumar Mahamat Saleh – secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement (PLD) et porte-parole de l’opposition tchadienne – a été enlevé le 3 février 2008 à son domicile de N’Djamena par des militaires de la garde présidentielle tchadienne, devant sa femme et le dernier de ses fils. Ibni Oumar Mahamat Saleh est mort en détention dans les jours qui suivent. Selon des sources concordantes, Ibni Oumar est mort sous la torture et les mauvais traitements.
Les deux rebelles encore vivants sont Mahamat Hassan Boulmaye, secrétaire général du CCMSR, et Ahmat Yacoub Adam, porte parole du mouvement. Aucune information sur leur situation judiciaire n’était disponible jeudi soir.
MM. Boulmaye et Yacoub possèdent le statut de réfugiés, respectivement en France et en Égypte. Les trois rebelles avaient été emmenés vers le Tchad trois semaines après leur interpellation, avait affirmé en mai l’un de leurs avocats, Me Bernard Schmid, du barreau de Paris.
De sources pénitentiaires, on apprend que Hassan Boulmaye, Abdraman Issa Youssouf et Ahmat Yacoub ont été internés au bagne de Koro Toro, en plein désert tchadien, à 300 km au nord-est de N’Djamena, pendant au moins une année.
Le sinistre bagne de Koro Toro est « quasi inaccessible aux avocats et parents des personnes qui y sont incarcérées » et « d’après les échos que nous avons reçus, les conditions de détention y sont déplorables », notait en mai l’organisation non gouvernementale Amnesty International.
Fondé en 2016 par Mahamat hassan Boulmaye, le CCMSR se définit comme une opposition politico-militaire au pouvoir d’Idriss Déby Itno et revendique plusieurs milliers de combattants. En août dernier, le groupe armé avait attaqué depuis la Libye des villages et positions militaires du nord tchadien. Dans la foulée, l’armée clanique du régime d’Idriss Déby avait lancé une opération militaire contre les populations civiles de Miski dans l’extrême-nord du Tchad, qui est toujours en cours.
En effet, l’armée nationale au service de l’homme qui tient le Tchad d’une main de fer depuis 29 ans, est entrée en guerre depuis le 24 octobre 2018 contre les habitants de la zone aurifère de Miski qui refusent une « exploitation de l’or sans cadre légal et réglementaire de l’État ». Début novembre, un comité d’auto-défense de Miski s’est créé pour protester contre l’« opération punitive » de l’armée, pour « empêcher l’exploitation des mines au profit du clan de Déby » et protester contre le nouveau redécoupage administratif morcelant le Tibesti.
Et depuis trois mois, les « 2.400 habitants de Miski » sont en « manque de nourriture » et il y a des « blessés non soignés » du fait d’un « blocus » décidé par l’armée tchadienne, selon Molly Sougui, porte-parole du « comité d’auto-défense de Miski » qui se bat contre l’armée.
TchadConvergence