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Un message d’amitié et d’espoir est attendu lors de la tournée africaine du président Emmanuel Macron la semaine prochaine

Un vent mauvais venant de l’océan atlantique souffle ces derniers temps contre les dictateurs africains corrompus. Aux États-Unis, les plaintes se multiplient contre les petits arrangements entre les pouvoirs africains en place et des compagnies minières et pétrolières :

– Le 17 novembre 2017, la justice américaine a inculpé l’ancien ministre sénégalais Cheikh Tidiane Gadio et l’homme d’affaire chinois Chi Ping Patrick Ho pour corruption. Ils sont soupçonnés d’avoir versé des pots-de-vin aux présidents Idriss Déby et Yoweri Museven en échange d’avantages commerciaux illicites. Le président Déby aurait perçu des mains de M.Gadio un pot-de-vin de 2 millions de dollars. Mais, ce n’est pas le seul exemple de la vigilance américaine.

– En août 2017, l’ancien ministre guinéen des mines, Mahmoud Thiam a déjà écopé de sept ans de prison, pour corruption, pots-de-vin et blanchiment au bénéfice des sociétés minières chinoise.

– En octobre 2016, l’ex-chef d’état-major de la marine de Guinée-Bissau, le contre amiral Bubo Na Tchuto, capturé en mer en 2013, a été condamné à quatre ans de prison pour trafic de stupéfiants par un juge New Yorkais.

Dans les discours qu’il prononcera mardi prochain devant 800 étudiants à l’université de Ouagadougou au Burkina et mercredi au sommet Europe-Afrique à Abidjan en Côte d’Ivoire, le président français, Emmanuel Macron, devrait aller dans le même sens que la justice américaine et s’en prendre aux autocrates africains qui pillent leurs pays. Déby et autres Sassou, Bongo, Abdel Aziz, … devraient avoir des oreilles qui sifflent et des cartons rouges pour la corruption d’Etat et la mauvaise gouvernance à l’origine de tous les problèmes dans leurs pays.

Au Tchad, les revenus pétroliers récoltés en 14 années d’exploitation de l’or noir, plus de 13 milliards de dollars ont été systématiquement détournés par le président Idriss Déby et ses proches. Aujourd’hui, dans notre pays, où des enfants meurent de faim dans la capitale, la banqueroute totale semble désormais inéluctable. Après près de trois décennies de pouvoir sans partage, Monsieur Idriss Déby n’a rien trouvé de mieux que de demander aux Tchadiens de revenir en arrière à la situation économique des années 2003. « La réalité nous a rattrapés, maintenant on refuse de revenir en arrière. Mais on est obligés de revenir en arrière, on va être là où on était en 2003» a-t-il annoncé, il y a quelques jours, lors de l’assemblée générale des opérateurs économiques de son parti politique. Et comme un malheur ne vient jamais seul, un contrat léonin passé en 2014 avec le géant minier suisse Glencore, «un marché de dupes» selon le président Déby, a complètement mis par terre les finances de notre pays.

Le président Macron ne doit pas prononcer d’une autre façon les discours de politique africaine prononcés par les anciens locataires de l’Élysée. Comme il a déclaré le 29 août dernier, «c’est en Afrique que se joue largement l’avenir du monde», la France doit répondre présente au rendez-vous avec la jeunesse africaine.

Les 200 millions de jeunes africains âgés de 15 à 24 ans, très politisés, très informés et très sensibles aux questions de la corruption, de la bonne gouvernance et de l’alternance politique, attendent de la France un message d’amitié et d’espoir pour les peuples africains et non un message de soutien aux potentats locaux.

La rengaine du «rempart contre le terrorisme dans la région» ne peut plus continuellement servir de prétexte au maintien du statu quo politique au Tchad, où plusieurs ONG craignent des émeutes de la faim dès le début de l’année 2018 et où des rebelles armés sont aux portes Nord du pays et menacent le pouvoir d’Idriss Déby. En effet, après avoir reporté sine die les élections législatives et verrouillé tout le processus démocratique, le président Déby est sur le point d’entreprendre des nouvelles réformes institutionnelles majeures afin de renforcer et perpétuer un système basé sur la terreur, l’humiliation, la corruption, le clientélisme, le népotisme et la gabegie où aucune voix discordante n’est tolérée et où les arrestations, disparitions forcées, séquestrations et tortures d’opposants se sont multipliées depuis l’élection présidentielle d’avril 2016.

La situation actuelle au Tchad est telle qu’un scénario avec des soulèvements populaires et une arrivée des rebelles dans la capitale, «remake» des guerres civiles des années 1980, devient très plausible et se profile à l’horizon. Il est donc crucial pour la sécurité au Sahel et dans la sous-région de renforcer la stabilité du Tchad, entouré par des pays en proie au terrorisme, en y restaurant une véritable démocratie où l’alternance politique pacifique sera possible.

Nous attendons donc du discours du président français un message fort et exigeant à l’encontre des despotes africains pour que, 57 ans après l’indépendance, l’espoir soit permis au Tchad, pour que le développement de l’Afrique devienne une réalité et enfin, pour que la relation entre la France et ses anciennes colonies africaines soit refondée sur le principe de l’intérêt mutuel des peuples.

Dr Moussa Pascal Sougui
Enseignant à Orléans (France)

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